La Banque centrale européenne (BCE) est en train de mettre en place l'euro numérique, une nouvelle monnaie qui promet de révolutionner la façon dont les transactions sont effectuées.
Mais avant de s'y intéresser, il convient de rappeler que la BCE a pour mission de maintenir la stabilité des prix. Or, depuis son lancement en 1999, la monnaie unique a perdu plus de 40% de son pouvoir d'achat...

D'autre part, les institutions européennes ont déjà prouvé leur talent pour réglementer les aspects les plus inattendus de la vie quotidienne des citoyens : les cookies de navigation, les bouchons de bouteille, etc.
Dans ce contexte, il est légitime de vous demander ce que l'euro numérique vous réserve.
Qu'est-ce que l'euro numérique ?
L'euro numérique est une monnaie numérique de banque centrale, ou MNBC, garantie par la BCE.
Mais ce n'est pas simplement une version numérique de la monnaie actuelle.
En effet, ce nouvel euro pourrait permettre aux gouvernements d'exercer un contrôle encore plus étroit sur les transactions financières. Ce qui pourrait nuire à la vie privée des particuliers et limiter leur liberté d'action.
Il est donc essentiel de comprendre les risques et les implications de cette nouvelle monnaie avant de l'adopter.
Quelles différences entre les espèces et l'euro numérique ?
La structure actuelle des services financiers européens est linéaire, avec la BCE à une extrémité et les citoyens à l'autre extrémité. Il est impossible pour les particuliers d'avoir un compte à la banque centrale pour y déposer leur argent.
L'introduction de l’euro digital pourrait rompre cette structure.

La BCE, avec un accès direct aux comptes des particuliers, pourrait contrôler et surveiller toutes les transactions financières beaucoup plus facilement.
Réserves
À l’heure actuelle, votre argent est garanti par les réserves de votre banque, comme la BNP Paribas, le Crédit Agricole ou la Société Générale. Mais l'euro numérique est garanti par les réserves de la BCE.
Retraits
Vous pouvez retirer votre argent du Crédit Mutuel, de la Caisse d'Épargne ou de La Banque Postale à presque tout moment, en fonction du montant. Mais ce n’est pas possible avec une monnaie numérique.
Transactions
Différents niveaux d’anonymat sont disponibles via carte bleue, virement ou espèces. Axa, HSBC ou Banque Populaire ne peuvent pas tout savoir de ce que vous faites de votre argent. Mais la BCE voit tout en temps réel.
Programmabilité
La BCE utilise actuellement des outils tels que les taux d'intérêt pour influencer sur l'économie. L'euro numérique lui donne un contrôle encore plus direct, avec la possibilité de modifier les fonds de chaque compte bancaire directement.
Quels sont les risques associés à l'euro numérique ?
Le système financier actuel est à l’origine de nombreux problèmes pour les particuliers. La mise en place de l'euro numérique pourrait les exacerber et les rendre plus difficiles à éviter.

Les dangers associés à la monnaie numérique de Banque centrale européenne sont nombreux et variés. Voici les principaux, inspirés de l'article CBDC 101 (en anglais) de la Human Rights Foundation (HRF) :
Surveillance financière généralisée
L'euro numérique pourrait permettre aux gouvernements européens de surveiller toutes les transactions financières de leurs citoyens, portant atteinte à leur vie privée et à leurs libertés.
La présidente de la BCE depuis 2019 l'explique elle-même :
L'anonymat total - tel que celui offert par l'argent liquide - ne me semble pas être une option viable, à mon avis.
Lorsque nous avons interrogé les Européens, leur première préoccupation était... la vie privée. La vie privée est la première chose qui leur vient à l'esprit lorsque nous concevons l'euro numérique. [Mais] il n'y aurait pas d'anonymat complet comme c'est le cas avec [l'argent liquide].
Ces déclarations sont inquiétantes. Et l'hypothèse n'est pas invraisemblable, comme le montre l'exemple de la Chine. La dictature communiste, promeut son propre yuan numérique, appelé eCNY, depuis 2019. Les utilisateurs offrent une visibilité totale sur leurs activités financières aux autorités.
Les experts craignent une surveillance accrue du gouvernement (en anglais), voire un contrôle total pour les dissidents (sanctions et restrictions).
Un tel système en Europe pourrait créer un climat de peur et de suspicion, où les gens hésitent à effectuer des paiements qui pourraient être considérés comme suspects ou sensibles.
Cette autocensure pourrait limiter votre liberté d'expression et d'association, et vous amener à vous demander si vous pouvez vraiment soutenir les causes qui vous tiennent à cœur, sans crainte de répercussions.
Restriction des activités financières
L'euro numérique pourrait également permettre aux gouvernements de restreindre les activités financières de leurs citoyens, en limitant leur capacité à effectuer certains types de transactions ou à acheter certains biens et services.
Bien qu'il n'existe pas encore d'exemple concret, le risque est bien réel.
Pour votre bien, les gouvernements européens pourraient imposer des restrictions sur l’achat d’alcool ou de cigarettes. Pour le bien de la planète, ils pourraient aussi restreindre les achats de viande, ou de billets d’avion.
Un tel système pourrait créer un climat de restriction et de contrôle, avec des implications pour votre vie quotidienne, limitant votre capacité à acheter les biens et services que vous souhaitez.
Gel des fonds
L'euro digital pourrait permettre aux gouvernements de limiter l’accès des citoyens à leurs propres ressources financières. Et cela pourrait être utilisé comme un outil de répression politique ou économique.
Ce type de mesure a été observé en 2022 au Canada, où les comptes bancaires de camionneurs qui manifestaient contre les restrictions sanitaires liées à la COVID-19 ont été gelés par le gouvernement.
Cette décision a laissé de nombreux manifestants sans accès à leur argent, les empêchant de payer leurs dépenses quotidiennes ou de poursuivre leur protestation.
Un tel système pourrait créer un climat de peur et de répression, dans lequel vous hésitez à exprimer vos opinions ou à participer à des manifestations, par crainte de voir vos avoirs gelés.
Saisie des fonds
L'euro numérique pourrait aussi permettre aux gouvernements de saisir l’argent de leurs citoyens, sans même avoir besoin d'une décision de justice. Et cela pourrait être utilisé comme un outil de confiscation ou de punition.
C’est encore un scénario de fiction, mais il existe déjà des précédents inquiétants.
La pratique de la confiscation d'actifs (asset forfeiture) aux États-Unis permet aux autorités de saisir les fonds de personnes soupçonnées de crimes, même si elles n'ont pas été condamnées.
En Europe, la BCE a souligné la nécessité urgente de canaliser les économies des particuliers vers les marchés financiers, ce qui pourrait être interprété comme une forme de saisie des fonds.
Et en France, la Loi Sapin 2 autorise les autorités à bloquer temporairement les retraits d'argent des contrats d'assurance-vie en cas de crise.
Un tel système pourrait créer un climat de peur et d'insécurité, dans lequel vous évitez d’épargner par crainte de voir vos actifs saisis du jour au lendemain.
Taux d'intérêt négatifs
L'euro numérique pourrait permettre aux gouvernements de mettre en place des taux d'intérêt négatifs, pour décourager l'épargne et encourager la dépense.
Ce phénomène n'est pas nouveau.
Des taux d'intérêt négatifs ont déjà été observés sur des emprunts d'États et certaines obligations d'entreprises entre 2010 et 2021. L'État français a même pu se financer à taux négatif sur des maturités allant jusqu'à 10 ans, d’après la Banque de France.
Dans un tel système, vous seriez pénalisé pour avoir de l'argent sur votre compte, mettant votre avenir en péril. Et sans la possibilité de retirer votre argent pour le conserver en dehors du système bancaire.
Argent périssable
L'euro numérique pourrait également permettre aux gouvernements de rendre l'argent périssable, en ajoutant une date d'expiration qui ferait disparaitre les fonds non dépensés des comptes de leurs citoyens.
Cette idée peut sembler saugrenue, mais elle a déjà été testée.
En Chine, la ville de Shenzhen a distribué des yuan numériques à ses citoyens, qui devaient les dépenser dans un délai très court (en anglais), entre quelques jours et une semaine.
Si l'argent périssable devenait une réalité, cela signifierait que vous seriez contraint de dépenser vos revenus rapidement, sans avoir la possibilité de les épargner ou de les investir à long terme.
Vous seriez constamment sous pression pour faire des achats, même si vous n'en avez pas besoin, simplement pour éviter de perdre votre argent.
Limitation de l’épargne
L’euro digital pourrait permettre aux gouvernements de mettre un cap sur les économies des citoyens, en appliquant une limite maximum disponible.
La BCE prévoit de mettre en place une limite de 3 000 euros sur les avoirs numériques (en anglais), pendant la mise en place du projet. Les banques, elles, veulent 500 euros, pour protéger leurs propres intérêts.
Mais un tel système permettrait de changer la limite une fois l’euro numérique répandu. Elle pourrait être revue à la hausse, ou à la baisse, en fonction des besoins de la BCE.
Dans un monde sans compte bancaire traditionnel, cela pourrait vous empêcher de mettre de côté des fonds pour des projets importants, ou de constituer une épargne de précaution en cas de difficultés financières. Sans aucun recours.
Risque de cyberattaques
L'euro numérique, comme tout système informatique, est vulnérable aux cyberattaques. Des hackeurs pourraient tenter de voler des fonds, de perturber le fonctionnement du système ou de compromettre la sécurité des transactions.
Les conséquences d'une cyberattaque réussie pourraient être graves, notamment la perte de fonds, la compromission de données personnelles ou la perturbation de l'économie tout entière.
Une attaque informatique contre le ministère des Finances français a eu lieu en décembre 2011. Les pirates ont réussi à accéder à des dossiers ultra-sensibles liés à la présidence française du G20.
La gravité de l'attaque a conduit le ministère à débrancher 10.000 ordinateurs.
Si une telle attaque devait avoir lieu sur l'euro numérique, il ne serait pas possible de simplement débrancher les ordinateurs pour l’arrêter, vu les millions d’utilisateurs.
Où en sommes-nous ?
Le projet d'euro numérique est en cours de développement depuis plusieurs années. Voici quelques dates importantes :
Retrouvez toutes les dates clés, avec sources à l'appui, et restez informés des dernières actualités sur l'euro numérique avec le CBDC Tracker pour la zone euro (en anglais).
Faites un choix éclairé
Face à l'avènement de l'euro numérique, il est essentiel de suivre les développements du projet et de comprendre les implications pour vos droits et libertés.
Une fois que vous aurez pris connaissance des faits, vous comprendrez probablement pourquoi il est important de s'opposer à l'euro numérique. Si tel est le cas, voici quelques étapes que vous pouvez prendre après :
Exprimez-vous
Faites connaître vos opinions et vos préoccupations aux décideurs politiques. Et demandez plus de transparence et de contrôle sur le développement de l’euro digital.
Signez les pétitions
Rejoignez les milliers de personnes qui ont déjà signé des pétitions en ligne pour s'opposer à l'euro numérique :
- CitizenGO : Ne Touchez Pas à Notre Argent — Stop à l’Euro Numérique
- Les Lignes Bougent : Non à l'euro numérique : allez vous les laisser prendre votre argent sans rien faire ?
- Change : Dites Non à l'Euro Numérique pour Protéger la Vie Privée des Européens
Découvrez Bitcoin
Apprenez-en plus sur Bitcoin et sur la façon dont il peut vous aider à retrouver votre souveraineté financière. Et essayez d’en acheter et de les retirer sur votre propre portefeuille. Prenez le contrôle de vos actifs et devenez maître de vos finances.